L’esport aux Jeux Olympiques : de l'espoir pour Thomas Bach ?
Par Julien HYARDET
En 2020, Marcel, 95 ans, et Monique, 70 ans, sont devenus champions de bowling sur WII lors de la « Paris Games Week », catégorie Seniors. C’est leur façon d’intégrer le sport au quotidien. Bon, pour moi, ça se discute. Il n’empêche que plus de 10 millions de Français de tous âges pratiquent ou sont spectateurs d’esport, le sport électronique.
Si en 2023, Paris fut la capitale mondiale du fameux tournoi Majors de Counter-Strike, aucun espoir de voir cette discipline aux JO de 2024, en France. Est-ce que Marcel et Monique peuvent compter sur Thomas Bach, président du comité, pour apprécier un jour leur passion, l’esport, aux jeux olympiques ?
Pour eux, une décision logique et attendue. Mais qu’en pensent les principaux intéressés, les joueurs et les éditeurs de jeux ? Est-ce une opportunité pour Thomas Bach de secouer le sport olympique ?
La réponse est claire, ce n’est pas gagné. Voici pourquoi.
Sommaire
Le sport électronique est-il récent ?
L’esport (ou e-sport) n’est pas très récent. Les premières compétitions du jeu Space Invador datent des années 80 aux USA.
Le premier championnat du monde a réuni en Suède 8 équipes en 2011 pour une partie de League of Legends. La dernière édition à Reykjavik a été suivie par 73 millions d’internautes. C’est dire la popularité du sport électronique, un secteur bien juteux. Et voilà que Paris a accueilli en 2023 l’un des plus grands rendez-vous de l’esport mondial, opposant 32 équipes, avec un prix de 500 000 euros à la clé : le célèbre Majors de Counter-Strike.
Mais l’esport est-il un sport ?
Qu’est-ce qu’un sport ?
Pas moyen de statuer si l’esport a sa place aux jeux olympiques, sans se poser cette question. Même le Ministère des Sports est indécis. De son côté, le CIO y réfléchit.
Comment définir le sport ?
Une compétition : Les entraînements réguliers sont indispensables, de même que les classements entre les athlètes. La concurrence et les records sont indissociables du sport depuis des lustres. C’est toute la différence entre un footing même intense et une course de fond. Faire de l’activité physique volontaire n’est pas considéré comme un sport s’il n’y a pas de concurrents à battre.
Un encadrement : pour avoir valeur officielle, une fédération sportive doit encadrer les épreuves des sports et leurs règlements. Quand au 19 ème siècle, l’Association du Football s’est créée en Grande Bretagne, que le premier challenge est organisé quelques années plus tard, alors, le ballon rond change de statut : de jeu à sport.
Une dépense énergétique : un sport se définit par un effort physique et une motricité engageant le corps. La dépense en énergie doit être bien supérieure à celle du spectateur assis dans les tribunes.
Une définition communément retenue : un effort physique fourni lors d’une compétition, permettant le classement des athlètes.
L’esport peut-il être retenu par le CIO ?
Ce qui revient à se demander, au préalable, si les jeux vidéos sont un vrai sport.
L’esport est une compétition
Sans aucun doute, les battles de jeux vidéo ont depuis longtemps fait leurs preuves, pour les joueurs amateurs comme professionnels.
Cette pratique n'est pas institutionnelle
Il n’existe pas de fédération sportive d’esport, agréée en France.
Or, pour délivrer des licences et participer à des compétitions sportives officielles, telles que les Jeux Olympiques, c’est impératif.
Si les échecs ont leur fédération sous l’égide du Ministère des sports, il ne devrait pas y avoir de raison de laisser l’esport sur la touche. D’ailleurs, à Paris, le gouvernement l’appelle de tous ses vœux, tout comme le CIO réfléchit à en faire une prochaine nouvelle discipline.
L’effort physique est au niveau
Quand on pense sport, on a en tête transpiration, rythme cardiaque et calories brûlées. Et pour les jeux vidéo, plutôt sédentarité et obésité.
Qu’en est-il de l’esport ?
Le sport électronique est avant tout cérébral mais il nécessite, comme beaucoup de sports, technique, concentration et coordination, réflexes et solidité mentale.
Il existe en esport une performance physique, même limitée : la vélocité des doigts et du poignet. Cette dépense d’énergie ne fait pas le poids avec celle du sport classique. Clément Thillier, doctorant esport, estime dans le magazine Marianne « que la pratique esportive nécessite environ 3 fois plus d’efforts physiques qu’une activité de bureau, en terme d’actions par minute ». Pour autant, l’énergie du “game” reste loin de l’intensité d’un match de foot ou d’un sprint.
Une étude, citée par Santé Magazine, réalisée auprès de 1 772 pratiquants dans 65 pays, a démontré que ceux-ci n’ont pas une moins bonne hygiène de vie que la moyenne des non-joueurs, au niveau poids, consommation d’alcool et de tabac. Trop d’heures passées devant un écran peuvent toutefois favoriser les troubles musculo-squelettiques, l’obésité et les problèmes de sommeil. Plutôt néfaste à la santé.
Les joueurs professionnels sont des athlètes de haut niveau. Beaucoup incluent l’activité physique dans leur entraînement pour gérer leur stress et être en super forme. Celle-ci les aide à améliorer leurs performances de jeu. Nicolas Besombes, docteur en sciences du sport et chercheur à l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance) défend que la dépense énergétique n’est pas le marqueur du sport. Ce qui fait le sport, c’est de surpasser un adversaire grâce à une motricité nerveuse et musculaire supérieure. Peu importe le niveau de l’effort physique.
Dans ce cas, l’esport est un sport comme les autres. Alors que le jeu d’échecs ne devrait jamais devenir une discipline des jeux olympiques car la motricité musculaire est très réduite.
L’esport aux Jeux Olympiques, un serpent de mer ?
Le chemin est semé d’embûches et personne ne fait de pari.
L’esport, une jeune discipline sportive mal structurée, sans fédération officielle : pour qu’un sport participe aux jeux olympiques, il doit satisfaire une grille de 74 critères. Mais la vision olympique est-elle compatible avec l’esprit geek, passionné et libre ?
Les grandes compétitions d’esport organisées par des sociétés privées : les éditeurs de jeux font office de fédération sportive. Aux manettes des règlements et des jeux dont les marques sont exploitées commercialement, ils n’ont aucun intérêt à perdre cet énorme avantage. Or, dans le cadre des jeux olympiques, les fédérations officielles prennent la main. Aucune marque ne peut être exposée durant les compétitions.
Si une fédération d’esport était agréée par le Ministère des sports et par le CIO, adieu
- à la promotion par les éditeurs des jeux à gros potentiel, comme le fameux league of legends,
- au plaisir des joueurs de s’affronter sur les dernières innovations et à leur présence dans la course,
- à l’engouement des spectateurs et aux droits de retransmission dans le monde qui vont avec !
Un casse tête qui peut expliquer pourquoi l’esport n’a pas été retenu pour les jeux olympiques 2028, parmi 9 nouvelles disciplines. Alors, l’esport aux JO, ce n’est pas gagné.
En attendant, il reste l’activité physique pour tous, à pratiquer à sa guise par internet, c’est toujours électronique et très bon pour la santé
Par Julien HYARDET
Coach Santé, Sport et Bien-être
Ancien rugbyman professionnel, je suis aujourd’hui au service de votre santé et de votre bien-être.
Et j’ai constaté une chose : ce n’est pas l’âge qui compte, mais bel et bien la forme physique et mentale !